Culture Et Patrimoine

La France refuse de restituer au Bénin des biens
culturels pillés pendant la colonisation

Depuis son arrivée au pouvoir, le président béninois, Patrice Talon, a choisi de faire de la culture un pilier principal du développement de son pays. Il a ainsi entrepris, en fin juillet 2016, une démarche officielle auprès du gouvernement français pour réclamer la restitution de nombreux objets d’arts pillés pendant la colonisation. La réponse de la France via le Quai d’Orsay est un refus, au motif que ces biens réclamés ont été «intégrés de longue date, parfois depuis plus d’un siècle, au domaine public français», ce qui fait d’eux, légalement, des biens inaliénables et insaisissables. Des biens pourtant mal-acquis L’histoire de ces trésors remonte à 1892 lors de l’invasion du royaume d’Abomey. Durant la guerre, le palais d’Abomey fut incendié, les objets sacrés furent récupérés et emportés par le général Alfred Dodds et son armée victorieuse, à titre de butin.
En 1894, après quatre ans de guerre contre l’armée française, le puissant souverain Béhanzin signe sa reddition. Il est envoyé en exil en Martinique où il meurt sans revoir son pays.
Ce pillage du patrimoine culturel africain est une pratique habituelle de l’époque coloniale, qui a permis à la France d’obtenir d’importants biens « mal-acquis », répartis aujourd’hui dans les musées et les collections privées. Il s’agit ici notamment, des sceptres (nommés « récades royales»), du trône de Glélé, des portes sacrées du palais, des bas-reliefs et plusieurs autres objets de grande valeur. Ces œuvres figurent aujourd’hui dans la collection du musée du
Quai Branly-Jacques-Chirac, à Paris, qui en expose les pièces les plus belles. Le Cran (Conseil représentatif des associations noires) estime qu’environ 95 % du patrimoine culturel africain se trouve aujourd’hui en dehors des frontières du continent. «Il me semble difficile pour la France d’avoir une position extrêmement moralisatrice concernant l’Afrique, et en même temps de pouvoir continuer à profiter, à jouir des biens qui ont été acquis dans des
conditions aussi critiquables» explique Jean-Jacques Neuer, avocat en droit international, spécialiste en art. Un enjeu patrimonial, religieux et touristique
Le Bénin estime que la France conserve environ 5 000 pièces, au musée du Quai Branly et dans les collections privées. Tous ces biens mal acquis doivent retourner dans leur pays d’origine, où se trouve leur place véritable. Ce sont des objets qui sont parfois religieux, sacrés. Le prince Guézo, héritier du roi du même nom, écrivait dès 2015 dans une tribune publiée sur Mediapart : «Quand nos enfants voient dans ces musées les trésors de l’Afrique dépouillée, ainsi exposés comme des butins de guerre, comment leur expliquer que nos peuples sont amis malgré tout? Il y a mille et une façon de réparer les crimes du passé colonial. L’une d’entre elles serait de restituer les biens mal acquis par la France.» La politique du dialogue interculturel ne saurait s’accommoder du pillage interculturel.
Il faut dire qu’au-delà du simple aspect touristique, ces objets revêtent un caractère symbolique qui justifie leur rapatriement. L’initiative du Bénin est un premier pas qui s’inscrit dans une problématique plus globale, celle des réparations post-coloniales. D’autres pays pourraient s’engouffrer dans la brèche ainsi ouverte.